Dans ses enseignements, Jésus s’inspire souvent de choses familières aux personnes qui l’écoutent et qui sont sous les yeux de tous. Cette fois, il utilise l’image du sarment et de la vigne.
Jésus présente deux cas. Le premier est négatif : le sarment est sec et ne porte pas de fruits. Il est donc coupé et jeté ; le deuxième est positif : le sarment est encore vivant et bien vert ; par conséquent on l’élague. Ce contraste nous dit déjà que l’élagage n’est pas un acte hostile envers le sarment. Le vigneron attend encore beaucoup de ce sarment. Il sait qu’il peut porter des fruits, il a confiance en lui. C’est également ce qui se passe sur le plan spirituel. Lorsque Dieu intervient dans notre vie avec la croix, cela ne signifie pas qu’il est en colère contre nous. Bien au contraire.
Mais pourquoi le vigneron élague-t-il le sarment et fait-il « pleurer » la vigne comme on dit ? Pour une raison très simple : s’il n’est pas élagué, la force de la vigne se disperse. Il aura peut-être plus de grappes qu’il ne faut. Il ne réussira pas à les faire mûrir toutes et abaissera la teneur en alcool du vin. Si la vigne reste longtemps sans être élaguée, elle devient même sauvage et ne produit que du pampre et du raisin sauvage. (…)
Ceci est vrai dans la vie spirituelle. La sainteté est comme la sculpture. Leonard de Vinci a défini la sculpture comme « l’art d’enlever ». Tous les autres arts consistent à « mettre » quelque chose : de la couleur sur la toile dans le cas de la peinture, pierre sur pierre pour l’architecture, note après note pour la musique. Seule la sculpture consiste à « enlever » : enlever les morceaux de marbre qui sont en trop pour faire ressortir la silhouette que l’on a en tête. La perfection chrétienne s’obtient également de cette manière, en enlevant, en faisant tomber les morceaux inutiles, c’est-à-dire les désirs, les ambitions, les projets, les tendances charnelles qui nous dispersent dans tous les sens et nous empêchent de réaliser quelque chose.
Dieu aussi nous regarde et nous voit de cette manière : comme des blocs de pierre encore informes, et il se dit : « Une créature nouvelle et belle qui attend de venir à la lumière se cache ici ; de surcroît, l’image de mon propre Fils Jésus Christ y est cachée (nous sommes destinés à devenir ‘conformes à l’image de son Fils’) ; je veux la faire sortir ! ». Et alors, que fait-il ? Il prend le burin qui est la croix, et commence à travailler ; il prend la cisaille de l’élagueur et commence à tailler. Nous ne devons pas penser à Dieu sait quelles croix terribles. Il n’ajoute en général rien à ce que la vie, seule, présente de souffrance, fatigue, épreuves ; il fait seulement en sorte que ces choses servent à notre purification. Il nous aide à ne pas les gâcher.