L'ÉDITO DU PÈRE CACAUD

semaine du 10 novembre 2024

Citius, Altius, Fortius, Communiter (8) L’obole de la veuve.

L’évangile de ce dimanche semble réorienter notre regard et notre réflexion. Il ne s’agit plus de lever nos yeux vers les vainqueurs, les gagnants, ceux qui sont entourés d’un halo de lumière mais bien au contraire de prendre en considération une pauvre veuve que Jésus nous donne en exemple. Mais sommes-nous si éloignés que cela de notre devise olympique : plus vite, plus haut, plus forts, ensemble ?

Il nous faut revenir à la logique de l’évangile qui renverse nos manières humaines de considérer les personnes et les situations. Comme le dit Jésus, cette pauvre veuve qui n’a pas fait une obole considérable à donner beaucoup plus que tous les riches qui ont déposé de grosses sommes. Elle a été plus généreuse car « elle a donné de son indigence » alors que les riches ont donné « de leur superflu ». En donnant peu, elle a tout donné. Plus tard, la sagesse chrétienne dira : « Tant que l’on a pas tout donner, on a rien donné ». En cela cette pauvre veuve est véritablement disciple de Jésus qui « ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. » (Ph 2, 6-8). Ailleurs l’Apôtre Paul écrira : « Vous connaissez en effet le don généreux de notre Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche, il s’est fait pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. » (2Co, 8,9).

C’est là le paradoxe de la vie chrétienne qui fait que la pauvreté devient la source de la vraie richesse, elle devient cet espace où la grâce de Dieu peut opérer et faire surgir des élans de générosité. Et cette pauvre veuve à travers son obole illustre la parole du Seigneur ; « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » (Mt 11, 25). Elle est allée au bout de la démarche, elle est allée véritablement plus vite, plus haut avec plus de force car elle était tout entière animée par la grâce de Dieu.

Cette situation de pauvreté est celle de beaucoup de chrétiens que nous regardons souvent avec beaucoup de bienveillance, que nous essayons d’aider mais que nous avons de la peine à recevoir comme des modèles que le Seigneur nous donne. Cette situation de pauvreté ne peut pas être considérer comme un handicap pour la vie chrétienne et pour le service de la mission. C’est bien ce que saint Paul écrivait aux Corinthiens : « Frères, vous qui avez été appelés par Dieu, regardez bien : parmi vous, il n’y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni de gens puissants ou de haute naissance. Au contraire, ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort ; ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est pas, voilà ce que Dieu a choisi, pour réduire à rien ce qui est ; ainsi aucun être de chair ne pourra s’enorgueillir devant Dieu. C’est grâce à Dieu, en effet, que vous êtes dans le Christ Jésus, lui qui est devenu pour nous sagesse venant de Dieu, justice, sanctification, rédemption. » (1Co 1, 26-30).

Pour la plupart nous ne sommes pas atteints par la pauvreté matérielle et cependant ce à quoi nous sommes tous appelé c’est à la pauvreté spirituelle qui nous fait regarder les pauvres pas seulement comme ceux que nous pouvons aider, même si nous avons raison de le faire, mais comme ceux que le Seigneur place sur notre route pour nous ramener à une juste évaluation de nos vies qui ne se pèsent pas « en espèces sonnantes et trébuchantes » mais à l’aulne de notre générosité. Souvenons-nous de la sentence de la plaisante sagesse lyonnaise : « Mon gone quand tu seras à Loyasse tu auras beau avoir amassé tant et plus et même d’avantage, tu ne seras riche que de ce que tu auras donné » Merci à la pauvre veuve de l’évangile de nous apprendre à aller plus vite, plus haut à devenir plus forts, ensemble sur notre chemin à la suite de Jésus.

Michel Cacaud