L'ÉDITO DU PÈRE CACAUD

semaine du 12 mars 2023

Donne-moi à boire …

Une rencontre au bord d’un puits à première vue sans grand intérêt et une demande banale : « Donne-moi à boire ». Et cependant à y regarder de près tout est d’un enjeu de premier ordre.                                                                                                                                                                        Ceux qui se rencontrent : Jésus, un homme juif et une femme, une Samaritaine. Un homme et une femme au bord d’un puits à midi n’est-ce pas un peu louche ? Que fait-elle là à cette heure-là ? Habituellement, c’est le matin à la fraîche que les femmes viennent puiser l’eau, elles y viennent ensemble pour faire face aux dangers et elles en profitent pour bavarder, échanger, se donner des nouvelles. Pourquoi cette femme est-elle désolidarisée de ce groupe, pourquoi vient-elle seule ? C’est que l’histoire de cette femme n’est pas limpide comme de l’eau de roche, nous apprenons plus loin qu’elle a déjà eu cinq maris et que celui avec lequel elle vit… Et Jésus, le prophète pour quoi parle-t-il avec cette femme, n’a-t-il pas deviné ? Pourquoi ne la fuit-il pas ? Son contact ne va-t-il pas le rendre impur ?

Ceux qui se parlent : Un Juif et une Samaritaine. Cela fait longtemps que l’on ne se parle plus entre Juifs et Samaritains ! On s’accuse de part et d’autre d’hérésie. En fait, sait-on bien pourquoi il y a une telle rupture ? Comme on l’entend dire parfois : le grand-père de mon grand-père ne parlait pas au grand-père de son grand-père, alors moi ! Mais au fait pourquoi ne vous parlez-vous pas ? La réponse est souvent évasive. Et pourtant entre Juifs et Samaritains, on a des points communs, on croit au même Dieu, on attend le Messie.

Une demande aux conséquences inouïes : « Donne-moi à boire » demande Jésus. Cette requête se justifie au bord d’un puits, à cette heure du jour où il fait si chaud… Mais est-ce vraiment d’eau dont Jésus à besoin ? N’attend-il pas autre chose de cette rencontre ? Et cette femme qui vient puisez de l’eau n’a-t-elle pas soif d’autre chose ? Nous voyons s’exercer la pédagogie de Jésus qui pour donner beaucoup commence par demander un peu. Souvenons-nous des cinq pains et des deux poissons lors de la multiplication des pains. En demandant un peu d’eau à cette Samaritaine, Jésus creuse en elle une autre soif, comme après avoir multiplié les pains, il creuse une autre faim. C’est si vrai que lorsque l’eau vive l’a désaltérée, la Samaritaine court jusqu’à son village pour annoncer la nouvelle en oubliant sa cruche ! L’eau de la vraie Vie a coulé en abondance non seulement elle l’a désaltérée, mais elle l’a purifiée, elle l’a régénérée. Elle s’est approchée d’une source dont l’eau est bien plus vivifiante !

Et nous qui marchons vers Pâques, qui nous rapprochons par le jeûne, la prière et le partage de la fontaine baptismale, n’avons-nous pas besoin de laisser là la cruche de nos préoccupations quotidiennes, de nos espoirs aux horizons limités, de la prison de nos péchés pour nous laisser inonder par les eaux vives du Salut et accueillir la grâce de la régénérescence, pour courir à la rencontre de nos frères et leur annoncer la présence du Messie ? Allons-nous cesser de puiser aux puits d’eaux mortes ? Comme le prophétise Isaïe, comme nous le montre la Samaritaine : « exultons de joie et venons puiser aux sources vives du salut » (Cf. Is 12,3). Pour nous, ces eaux jailliront bientôt de la fontaine pascale !

Père Michel Cacaud

Michel Cacaud