L'ÉDITO DU PÈRE CACAUD

semaine du 14 janvier 2024

D’un déplacement à l’autre

Sous la conduite de Jean-Baptiste, deux de ses disciples sont conduits jusqu’à Jésus qui leur est présenté comme l’Agneau de Dieu. Ces mots de Jean-Baptiste leur suffisent pour qu’ ils se mettent en route, se mettent à la suite de Jésus adoptant déjà l’attitude du disciple celui qui se met à la suite du Maître. Entendant la question de Jésus : « Que cherchez-vous ? » (Jn 1, 38), ils demandent à Jésus où il demeure. La réponse à cette demande peut paraître curieuse car Jésus ne donne pas son adresse mais les invite à un déplacement : « Venez et vous verrez » (Jn1, 39). Cela suppose de leur part qu’ils acceptent de quitter Jean-Baptiste qu’ils ont jusque-là suivi et qu’ils aient confiance en Jésus. Cette rupture et cette confiance deviennent alors significative de toute démarche chrétienne. Le  déplacement auquel les deux disciples sont invités est déjà riche d’enseignement.

Nous apprenons ensuite que l’un des disciples de Jean-Baptiste, André, à un frère Simon auquel il va faire part de l’expérience forte qu’il vient de faire auprès de Jésus en demeurant auprès de lui. Simon accepte alors lui aussi le déplacement et vient jusqu’à Jésus. Sans autre forme de préparation, Jésus dit à Simon : « Tu es Simon fils de Jean, tu t’appelleras Képhas » (Jn 1,42) ce qui veut dire Pierre. Ainsi Jésus manifeste qu’au déplacement géographique succède le déplacement intérieur.

Changer le nom d’une personne dans le monde juif cela représente une transformation profonde. Devenir disciple de Jésus ce n’est pas simplement marcher à sa suite, écouter ses enseignements, c’est accueillir la transformation intérieure qu’il veut réaliser en chacun car Jésus vient pour transformer ceux qui croient en lui. Ainsi comme l’écrit Saint Paul : « le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux. » (2Co, 5,15). C’est là le grand déplacement auquel Pierre est invité, auquel nous sommes tous invités.

Cette transformation, signifiée par le changement de nom, ne s’accomplit que dans le temps, nous le voyons bien dans l’exemple de Pierre. Il est celui qui entend les compliments de Jésus après la confession de foi de Césarée : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. » (Mt 16, 17-19). Mais il entend aussi les vifs reproches de Jésus : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » (Mt 16, 23) Nous le savons aussi, Pierre est celui qui a renié Jésus au temps de la Passion. Il est aussi celui qui à Rome a rendu le plus beau et le plus grand des témoignages.

Cela bien sûr nous renseigne sur ce que peut être notre vie chrétienne : ce déplacement physique avec les ruptures inhérentes mais surtout ce déplacement intérieur qui nous conduit à accueillir le projet de Dieu qui d’étape en étape, de conversion en conversion, de sanctification en sanctification nous conduit à réaliser ce qu’a expérimenté Saint Paul : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ce que je vis aujourd’hui dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi. » (Gal 2, 20)

Michel Cacaud