Nous avons vu comment dans l’acte même de la création, Dieu se révèle comme celui qui prend soin de l’homme. Il lui donne tout ce dont il a besoin pour accomplir sa mission : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Soyez les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et viennent sur la terre. » (Gn 1, 28). Mais l’homme sortant des mains du Créateur est, comme l’enseigne saint Irénée, à l’état d’enfance : « L’homme était un enfant dont la compréhension n’était pas encore parfaite ; c’est pourquoi il était facilement induit en erreur ». Prendre soin c’est aussi éduquer. Dieu donne donc des repaires à cet homme pour qu’il puisse avancer selon la volonté de Dieu.
« Le Seigneur Dieu prit l’homme et le conduisit dans le jardin d’Éden pour qu’il le travaille et le garde. Le Seigneur Dieu donna à l’homme cet ordre : « Tu peux manger les fruits de tous les arbres du jardin ; mais l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas ; car, le jour où tu en mangeras, tu mourras. » (Gn 2, 15-17) Il est donc clair pour l’homme qu’il peut user de tout ce que Dieu lui donne en respectant les interdictions qui lui sont indiquées. Intervient alors le Tentateur sous la forme du serpent qui veut entrainer l’homme dans sa révolte contre Dieu. Il est le plus rusé de tous les animaux (Gn 3, 1). Il va essayer une opération de tentation non pas en mentant ouvertement mais, et c’est là toute sa ruse en distordant la vérité. Nous avons bien compris que la vocation de l’homme c’est d’être au cœur de la création l’image de Dieu. Le Démon va lui faire croire qu’il peut y parvenir par lui-même : « Le serpent dit à la femme : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » (Gn 3, 4-5). En succombant à la tentation, l’homme opère la première rupture d’alliance, il réalise alors qu’il ne peut pas se tenir devant Dieu, il se cache et Dieu part à sa recherche, c’est aussi pour Dieu une manière de prendre soin. S’il chasse l’homme et la femme du paradis, c’est plus une sentence éducative qu’une punition : « Le Seigneur Dieu dit à la femme : « Qu’as-tu fait là ? » La femme répondit : « Le serpent m’a trompée, et j’ai mangé. » Alors le Seigneur Dieu dit au serpent : « Parce que tu as fait cela, tu seras maudit parmi tous les animaux et toutes les bêtes des champs. Tu ramperas sur le ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance : celle-ci te meurtrira la tête (ce qui explique pourquoi certaines représentations de la Vierge Marie la montre écrasant le serpent), et toi, tu lui meurtriras le talon. » (Gn 3, 13-15 et suivants)
Mais le Seigneur prend tout de même soin d’eux en leur donnant un signe de compassion et d’espérance, changeant le vêtement en feuilles de figuier, un peu rêches, par des vêtements en peau plus doux (Cf. Gn 3, 21) c’est du moins ainsi que les pères de l’Eglise en feront la lecture. Dieu ne se désengage pas, Il adapte son attitude à celle de l’homme. Si saint Irénée parle de nos premiers parents en disant qu’ils étaient à l’état d’enfants, nous ne devons pas douter que nous ne sommes pas meilleurs qu’eux et que nous devons tirer profit nous aussi des leçons données à nos premiers ancêtres.
C’est une lecture semblable que nous pouvons faire des épisodes de la lutte entre Caïn et Abel (Gn 4, 3-16) ou encore du Déluge (Gn 7-8).
Pour Dieu, prendre soin, c’est aussi corriger, reprendre de manière à ce que l’homme puisse grandir et s’approcher au plus juste de la vocation initiale, lui qui a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Ce projet n’aboutira qu’au terme de l’histoire lorsque l’humanité accèdera à l’accomplissement de ce que le mystère pascal, celui de notre Baptême, se réalisera.