L'ÉDITO DU PÈRE CACAUD

semaine du 8 octobre 2023

Un Père de famille planta une vigne…

Un père de famille, propriétaire d’un domaine, planta une vigne. Il y a une parole similaire d’Isaïe : Mon ami avait une vigne sur un coteau plantureux. Certains prétendent qu’il y a là une charge contre la vigne, d’après ce qui suit : Pouvais-je faire pour ma vigne plus que je n’ai fait ? Mais ici, c’est contre les vignerons. La vigne désigne le peuple juif : La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël. Or c’est bien contre les vignerons, car jusque là ce n’est pas du peuple, mais de ses chefs, que vient le mal : Parmi les chefs du peuple, y en a-t-il un seul qui ait cru en lui ? Donc ce n’est pas contre la vigne. Cette vigne n’est pas la maison d’Israël seulement, mais aussi la justice de Dieu qui nous est secrètement communiquée par la sainte Écriture. D’où ce que dit le Seigneur : Un père de famille planta une vigne, c’est-à-dire le peuple juif, selon le psaume : La vigne que tu as prise à l’Égypte. Ou encore, il déposa la justice dans la doctrine de la Loi.

Et il entoura la vigne d’une clôture, en vue de la protéger ; donc ce qui est établi comme une protection, qu’il s’agisse des prières des saints ou de la garde des anges, représente la clôture. Et si la vigne est la justice, la clôture est le sens caché des Écritures. Il y creusa un pressoir. Le pressoir est là pour extraire le vin de la charité. Si l’on interprète la vigne, du peuple juif, le pressoir est l’autel des holocaustes ; ou les martyrs, qui pour la foi ont répandu leur sang ; ou la série des prophètes, chez lesquels est extrait le vin de la sagesse. Ou encore, la profondeur de l’Écriture. Et de même que tout le produit de la vendange est réuni dans le pressoir, ainsi, tout ce qu’elle peut, l’âme doit le réunir en vue de la louange de Dieu.

Et il bâtit une tour dans sa vigne. La tour désigne le temple. Ou bien, la connaissance de Dieu : Le nom du Seigneur est une tour puissante. – Puis il donna sa vigne en fermage à des vignerons. Les vignerons sont les chefs du peuple. Et le Seigneur partit en voyage, non en changeant de lieu, mais en laissant l’homme à son libre arbitre. Quand arriva le moment de la vendange : celui qui fait quelque récolte espère un bénéfice ; de même le Seigneur espère en retour un bénéfice à la louange de sa gloire. Il envoya ses serviteurs, c’est-à-dire les prophètes, auprès des vignerons, pour qu’ils incitent les hommes à bien agir. Mais ils les tuèrent. De nouveau, il en envoya d’autres. Ainsi, en particulier, il a envoyé Moïse, Aaron, et d’autres. Car le Seigneur veut que sa miséricorde lutte contre la malice des vignerons.

Il leur envoya son fils, en se disant : « Peut-être respecteront-ils mon fils ! » Ce Fils, en effet, est le véritable héritier du Père : ce qu’il demande, il l’obtient. Demande, et je te donne en héritage les nations. Il est de même l’héritier, parce que tout ce qui est au Père est aussi à lui. Mais à l’encontre : S’ils l’avaient connu, ils n’auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire. C’est vrai, s’ils l’avaient connu réellement, mais ils ne l’ont connu que par conjecture. Suit le projet : Allons-y, tuons-le ! – Le maître de la vigne, que fera-t-il à ces vignerons ? Le Seigneur les interroge avec tant d’habileté qu’ils en viennent à se juger eux-mêmes, comme fit Nathan avec David : Ils répondent : « Les misérables, il les fera périr misérablement ! » C’est bien ce qu’ont dit les chefs, et tout en comprenant que Jésus parlait contre eux, ils ne le contredirent pas. Jésus leur dit : « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre, la tête d’angle. » La pierre, c’est le Christ ; il a été constitué pierre d’angle, c’est-à-dire Chef des uifs et des païens. Il est devenu le Chef, la Tête de l’Église. Et c’est merveille à nos yeux.

Saint Thomas d’Aquin (1225-1274)
Source : Lectionnaire monastique, p. 393. Vigiles, troisième nocturne, année A 27ème dimanche du temps ordinaire Solesmes / Cerf. Paris, 1995.

Michel Cacaud