L’Evangile de ce dimanche nous propose deux images pour nous faire découvrir le sens de notre présence sur la terre et dans le monde. « Vous êtes, dit Jésus, le sel de la terre et la lumière du monde ». C’est donc en fonction de la terre et du monde que nous sommes appelées à être le sel et la lumière.
Un nouveau paradoxe nous est offert aujourd’hui. Comment être à la foi sel et lumière ? Le sel en effet ne développe sa saveur que lorsqu’il disparaît, lorsqu’il est mêlé à la nourriture tandis que la lumière éclaire lorsqu’elle est exposée, en bonne place. Y aurait-il donc des « chrétiens sel » et des « chrétiens lumière » ou bien faut-il être les deux à la foi ? Remarquons que Jésus qui s’adresse aux foule, dans ce discours sur la montagne, ne dit pas tu es le sel de la terre et tu es la lumière du monde. Non personne ne peut s’approprier pour soi seul cette double vocation. Celui qui est le Sel de la terre et la Lumière du monde c’est Jésus. Il appartient donc à l’Eglise qui poursuit la mission de Jésus d’être le sel de la terre et la lumière du monde.
Il est vrai, et l’histoire de l’Eglise nous l’enseigne, qu’au cours des âges, nous en avons, à travers le témoignage des chrétiens, des exemples divers. Certains ont vécu une spiritualité de l’enfouissement, d’une vie cachée comme par exemple les moines et les moniales mais aussi comme ceux qui ont choisi de vivre cet aspect de la mission en plein monde, « aux cœurs des masses » comme l’écrivait le Père Voillaume ou comme le vécu Madeleine Delbrel. D’autres ont fait briller la lumière de l’Evangile par l’annonce explicite que l’on songe par exemple aux catéchistes, aux prédicateurs, aux universitaires.
Ne croyons pas qu’il y ait un témoignage supérieur à l’autre. L’Eglise a besoin des deux et chaque fois qu’elle enseigne à propos de la mission, elle indique toujours la nécessité du témoignage de la vie et de l’annonce explicite.
A chacun de trouver sa place en fonction de ses capacités, de ses goûts, des appels de l’Esprit en sachant que l’on n’est jamais enfermé dans l’un ou l’autre aspect et que de temps à autre celui qui est plutôt le sel peut être appelé à devenir lumière ou inversement. Nous avons vu par exemple saint Bruno quitter son poste d’universitaire à Reims pour se retirer dans le « désert » de Chartreuse. Le même a d’ailleurs quitté ce « désert » pour aller conseiller le Pape ! Et puis le sel ne devient-il pas lumière lorsque son enfouissement est vécu selon l’évangile et que serait une lumière complètement déconnectée des réalités terrestres ? « Vous êtes dans le monde, dit Jésus même si vous n’êtes pas du monde »
Il nous appartient aussi de toujours plus découvrir que nous ne vivons pas les uns sans les autres personnes n’est « représentant exclusif » de l’Evangile. C’est l’Eglise toute entière avec ses membres les plus cachés et ses membres les plus exposés qui reçoit sa mission de Jésus. Il s’agit donc de nous laisser éclairer par la grâce des uns et des autres et de développer la nôtre.
Cette page d’évangile nous introduit dans la connaissance du mystère de l’Eglise et nous invite à y trouver notre place à la tenir dans le respect et l’accueil de la place des autres, sans jamais vivre une jalousie de ce que d’autres ont reçu, sans jamais non plus nous déprécier parce que nous sommes moins en vue que d’autres qui peut-être aimeraient être plus cachés !
Michel Cacaud
Sel et lumière
Dans l’Evangile de ce dimanche, le Seigneur Jésus dit à ses disciples: «Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde» (Mt 5, 13.14). Grâce à ces images riches de signification, Il veut leur transmettre le sens de leur mission et de leur témoignage. Le sel, dans la culture du Moyen-Orient, évoque différentes valeurs telles que l’alliance, la solidarité, la vie et la sagesse. La lumière est la première œuvre de Dieu Créateur, et elle est source de vie; la Parole de Dieu elle-même est comparée à la lumière, comme le proclame le psalmiste: «Ta Parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route» (Ps 119, 105). Et, toujours dans la liturgie d’aujourd’hui, le prophète Isaïe dit: «Si tu te prives pour l’affamé et si tu rassasies l’opprimé, ta lumière se lèvera dans les ténèbres, et l’obscurité sera pour toi comme le milieu du jour» (58, 10). La sagesse résume en elle les effets bienfaisants du sel et de la lumière: en effet, les disciples du Seigneur sont appelés à donner une «saveur » nouvelle au monde, et à le préserver de la corruption, avec la sagesse de Dieu, qui resplendit pleinement sur le visage de son Fils, parce que Lui est la «lumière véritable qui éclaire tout homme» (Jn 1, 9). Unis à Lui, les chrétiens peuvent diffuser au milieu des ténèbres de l’indifférence et de l’égoïsme, la lumière de l’amour de Dieu, vraie sagesse qui donne du sens à l’existence, et à l’action des hommes.
Benoît XVI (Angelus 6 février 2011)
